Par jean-Claude Landry
Le 19 octobre dernier, le ministère de la Défense israélien désignait « organisations terroristes » six importantes organisations palestiniennes de défense des droits humains.
Au motif qu’elles auraient des liens avec un parti politique palestinien disposant d’une aile militaire, le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), ces organismes étaient contraints de mettre fin à leurs activités et s’exposaient à la confiscation de leurs biens. Dès lors, toute aide financière ou matérielle à ces organismes de la société civile palestinienne constituait un geste illégal passible de sévères sanctions pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement.
Une décision de cette gravité est habituellement justifiée par de sérieux motifs sécuritaires. Mais ces motifs, les autorités israéliennes ont beaucoup de difficulté à en expliquer la teneur. À un tel point qu’au sein même de la société israélienne et chez les partenaires et amis d’Israël, nombreux sont ceux qui mettent en doute les raisons avancées pour expliquer cette décision.
Quelques mois plus tôt, sur la foi de dossiers à charge qu’il leur avait soumis, le gouvernement israélien avait bien tenté de convaincre certains gouvernements européens de mettre fin à l’aide financière apportée aux organismes aujourd’hui bannis. Sans succès, l’aide aux organismes ayant été maintenue. S’agissait-il alors d’un stratagème visant à faire taire, par d’autres moyens, des voix embarrassantes et soustraire aux regards critiques les comportements de l’armée israélienne en Palestine occupée ?
Légende : Le 19 octobre dernier, le ministère de la Défense israélien, actuellement dirigé par Benny Gantz, a classé six organisations de la société civile palestinienne « organisations terroristes », une décision qui pose question même parmi les alliés de longue date d'Israël.
Crédit: Reda Raouchaia – Wikimedia Commons
C’est du moins ce que croient une vingtaine d’organisations israéliennes de défense des droits humains qui se sont élevées contre cette décision controversée. La qualifiant « d’acte caractéristique des régimes autoritaires », ces organisations ont affirmé être « solidaires de [leurs] collègues palestiniens » et « appelé les membres du gouvernement israélien et de la communauté internationale à s'opposer sans équivoque à cette décision ».
Un appel relayé par les réputés organismes Amnistie Internationale et Human Right Watch qui, dans un communiqué conjoint, ont dénoncé « une décision épouvantable et injuste » et qualifié celle-ci « d’attaque contre le mouvement international des droits humains », reprochant aux autorités israéliennes d’avoir « cherché systématiquement [pendant des décennies] à museler la surveillance des droits humains et à punir ceux qui critiquent le régime répressif sur les Palestiniens ».
Pour l’avocat israélien en droits humains Michael Sfard, qui représente une des organisations visées par le décret israélien, la décision à l’égard des six organisations palestiniennes en est une de nature essentiellement politique. Selon cet avocat, c’est « l’échec à convaincre les gouvernements européens de cesser leur financement conduisant à la fin de leurs activités [des organismes] qui a amené les autorités d’Israël à prendre cette grave décision ».
Quel risque peut bien poser à la sécurité d’Israël un organisme qui défend les droits des enfants palestiniens comme le fait l’organisme Défense Internationale des enfants section Palestine ? Et quel danger imminent peut représenter le Bisan Center, organisme responsable de programmes de développement communautaire pour les jeunes et qui lutte contre la violence faite aux femmes ? Ce sont là les questions que se posent les partenaires traditionnels d’Israël. Jusqu’au Département d’État américain, un allié de longue date, qui a invité l’État d’Israël à s’expliquer sur cette décision, cause d’embarras pour les amis d’Israël.